Vincent Kompany et le départ loupé d'Anderlecht: responsable et coupable
Deux points sur douze face à des seconds couteaux. Et les supporters mauves, réputés pour leur exigence, scandent "We are Anderlecht" à tue-tête. Le retour de l’icône Vincent Kompany les a hypnotisés et, durant un certain temps sans doute, anesthésiés. Une analyse de Jean-Marc Ghéraille.
- Publié le 19-08-2019 à 14h57
- Mis à jour le 19-08-2019 à 15h08
Deux points sur douze face à des seconds couteaux. Et les supporters mauves, réputés pour leur exigence, scandent "We are Anderlecht" à tue-tête. Le retour de l’icône Vincent Kompany les a hypnotisés et, durant un certain temps sans doute, anesthésiés. Une analyse de Jean-Marc Ghéraille.
Aujourd’hui, Anderlecht veut redevenir Anderlecht mais, telle Notre-Dame de Paris et sa charpente bancale, le monument est en péril. Joueur, entraîneur, manager : le costume est sans doute un peu trop large même pour Kompany. Responsable et coupable, notre Diable rouge puisqu’il détient les clés du club. Tentons une analyse froide sans affectif, sans préjugé et sans donner de leçons.
Abracadabra. Prenez un grand club qui rafle le titre un an sur deux, n’a plus loupé une compétition européenne depuis des décennies et qui vit sur un passé glorieux et une image un peu désuète et fallacieuse de football champagne. A l’issue d’une saison apocalyptique conclue par une humiliante sixième place, la direction d’Anderlecht a trouvé le remède miracle : Vincent Kompany. C’est LE coup du mercato. C’est LA bonne idée mais ce n’est pas LA solution à tous les maux, les manquements, les approximations.
Aujourd’hui, après un 2 sur 12 face à Ostende, Mouscron, Malines et Courtrai, le soufflé est un peu retombé. Vincent Kompany lui-même est sorti de sa réserve pour endosser toutes les responsabilités. Lui seul peut le faire car il a la carte, l’immunité dirait-on à Koh Lanta. Vince the Prince, c’est Barack Obama. Il est intouchable alors que, à l’instar de n’importe quel joueur, il doit pouvoir être critiqué voire remis à sa place par l’entraîneur mais… il est l’entraîneur. Car il paraît d’ores et déjà assez évident que Simon Davies n’est qu’un faire-valoir.
Faire peser l’ensemble de ce début raté sur Kompany est intellectuellement et factuellement malhonnête mais il veut assumer tout et tout seul. A notre sens, c’est une erreur car ni le public ni les observateurs ne sont dupes. Cet Anderlecht-là n’est pas bien, pas assez armé pour viser le titre. Même si tout est possible lors des playoffs avec une redistribution des cartes, cette équipe possède d’indéniables qualités mais aussi d’énormes manquements. Posséder le ballon, c’est bien, c’est beau, c’est tiki taka cher à Pep Guardiola mais cela doit être efficace. En première mi-temps, à Courtrai, c’était un bon Anderlecht avec du jeu au ballon, un pressing haut mais un seul but d’avance. Sans que les Mauves ne se soient offert une kyrielle d’occasions et avec trop peu de mouvements et d’accélérations. Il a suffi d’un grain de sable, d’une petite boulette et d’un but pour que le château de cartes s’effondre, le roi y compris.
Jouer la carte des jeunes, c’est évidemment louable. Néanmoins, depuis le début de la saison, Anderlecht a aligné des joueurs certes qui ont encore besoin d’apprendre mais dont, pour certains, on peut clairement se poser la question de leur niveau. Il ne serait pas étonnant que plusieurs d’entre eux disparaissent dans les oubliettes du Sporting.
Le mercato ? Effectué plutôt tardivement, ce n’est pas l’idéal. D’autant que les "renforts" comme Nasri, Roofe ou Chadli ne sont pas (encore) opérationnels alors qu’ils sont censés être/devenir les locomotives. Or, ce sont clairement des recrues voulues par Vincent Kompany. Pire, elles n’auraient sans doute jamais mis les pieds au parc Astrid, pardon le Lotto Park, sans la présence du Diable rouge. Néanmoins, l’entraîneur Kompany aura-t-il le cran de sanctionner un de ses renforts insuffisants ? C’est, à terme, une question de crédibilité. Quant aux moyens, le Sporting les a donnés car, outre les trois noms cités ci-dessus qui ne jouent certainement pas pour des cacahuètes, le club a pu s’offrir le Néerlandais Vlap pour un chèque de 7 millions d’euros. De plus, la direction a décidé de se passer tout en les payant de trois éléments qui, dans l’équipe actuelle, ne feraient pas tache : Saelemaekers, Kums et Trebel.
Joueur et entraîneur à un tel niveau et avec un tel chantier, c’est déjà un pari risqué. Ajoutez-y le poste de manager avec les contraintes, les réunions, les tracas, les pleurnicheries qui vont avec et vous avez un homme qui, au-delà des qualités qu’il possède, ne peut décemment pas mener toutes les missions de front avec le même succès. L’une ou l’autre doit inévitablement en pâtir.
La situation d’Anderlecht peut prêter à sourire. Des clubs comme Bruges, le Standard ou même l’Antwerp voient d’un bon œil ce départ foireux. Pourtant, un club de tradition comme Anderlecht se doit de figurer en haut de l’affiche. De par sa tradition. De par son rôle de représentant du foot belge qu’il fut pendant des années. De par sa popularité. De par l’intérêt d’une compétition où mieux vaut voir les grands clubs batailler pour un titre.
Reste la patience. Ce concept qui n’a jamais été l’apanage d’Anderlecht. Encore moins depuis que Marc Coucke s’est offert le joujou mauve. Mais le boss a délégué une grande majorité de son pouvoir à Vincent Kompany. Au point que ses sorties ou plutôt ses saillies médiatiques sont devenues rares. Alors qu’il doit bouillir intérieurement, Coucke se tait, sourit et ronge ses ongles. Parce que le directeur de la com’, c’est désormais aussi Vincent Kompany.
Nous n’avons aucun lien de parenté avec la star des voyants et le voyant des stars. Ne comptez pas sur nous pour émettre un pronostic sur la réussite ou l’échec du pari Kompany. Mais tout Anderlecht, Vincent compris, ne s’attendait pas à patiner dès la ligne de départ.